Du “héros” explicite #1. Lanzmann et l’utopie
Une critique est parfois adressée à ma théorie du héros moderne : le mot “héros” peut sonner, à nos oreilles contemporaines, suranné. On me dit qu’il est pertinent pour les héros du passé, ou pour les héros de cinéma, mais pas dans la vie d’aujourd’hui, au quotidien.
Pourtant la référence à l’héroïsme est fréquente. Je l’ai notée dans les traités de management et de vie au travail (cf. Héros. Action, innovation, interaction dans les organisations et au cinéma).
Les termes explicites de “héros” ou “héroïsme” apparaissent souvent dans l’espace public contemporain.
Un exemple m’a été fourni récemment, que je note ici, et que je prendrai le temps de commenter plus tard. Voici ce que Claude Lanzmann, le réalisateur de Shoah (1985), exprime sur France Inter le 11 Janvier 2016 :
“J’ai vécu la Seconde Guerre Mondiale, je l’ai faite, j’ai participé, c’était une époque très dure et une époque héroïque, avec de l’utopie, et l’utopie c’est bien. Il y avait une utopie de fraternité. On était informés de ce qui se passait pendant la guerre. La joie personnellement ressentie au moment de la défaite des nazis à Stalingrad par exemple, c’était intérieurement grandiose à vivre. Aujourd’hui, il n’y a plus ça. C’est difficile de vivre platement. On vit platement. C’est une sorte de repliement. Toute la place qui est faite dans les journaux à l’économie, à l’argent, c’est une place considérable et excessive, ça fausse un peu les choses, ça fausse les proportions. On vous parle de gens, ce sont les nouveaux héros quand même, les patrons. Quand je vous ai parlé de l’utopie, c’était sérieux. L’utopie, ce n’est pas de la rigolade, et je pense que si cette dimension à mes yeux fondamentale d’utopie disparaît, on est voués à une sorte de répétition, de reproduction plate.”